Au pays du Fon
 
Fi é un' nywè ayi yi doô, e wè zan ku do mi dé nè. (1)
Au réveil on a perdu des morceaux, 
on ne revient pas tout entier, 
sûrement plus plein qu'avant,
du chaudron de Cotonou!
 
Cotonou, Bénin!
Zan kù nulì ma bù! (2)
 
Les gris du ciel sont des orgues luxuriantes,
qui jouent l'attente sur les nerfs.
Et la danse des zémidjans (3) font la ruche à rugir, 
la ville tropicale, dans un halo bleuté pétrole.
Ganganwunxotô dô adô mè wè gan dé. (4)
 
Sous ce plomb, les yovos (5)
ébahies par les dents blanches éclatantes,
rient!
Le soleil leur brille les yeux pour pas cher!
La misère transpire de ces inventions! De grands éclats exotiques!
Qu'importe la sueur on trouvera bien à faire laver nos chemises.
 
Et le désespoir fait le clown...
A zun koklo zônlin' yé na na agbadékun wé! (6)
Mais on ne veut pas de poulet bicyclette sur le tour de France.
Ani tantansin wè yè bô e ma na mi atan ? (7)
 
Nudité farouche, tenace, je t'aime mais!
La guerre ne se lasse pas de l'humain.
Venez les fous, hommes et femmes nus
batailler à pleine bouche.
 
La poésie est une blessure,
faite par saignées sauvages.
L'humeur qui en coule n'est pas sage à jouir.
Alô dé ma nô xoui, a ô kan, nô bla ă. (8)
 
Les os ne veulent pas blanchir avant d'avoir noirci
des pages et des pages de passion magique.
Ayi wè nô do ayikun.
C’est le cœur qui plante le haricot.
 
Je retente ma damnation en présence du précieux,
je respire encore le souffre-couleur, de la vie.
Au pays du Fon, je tremble,
c'est déjà ça qui bouge!
 
E ɖo atin’sa bo ma kè nu, xè wè nô nyè mi do ta nu mè.
Quand on reste sous un arbre sans parler, les oiseaux finissent par vous chier dessus.
 
Awasagbe diadô do Nôxwe mè. - Dé nyé un wa dié mè nè. (9)
 
 
(1) A l'endroit où s'arrêtait ma connaissance du pays, c'est là que la nuit m'a surpris. 
(2) II fait nuit mais le chemin de la bouche n'est pas perdu. 
(3) moto-taxi
(4) Le joueur de tam-tam dit que le rythme est dans le ventre. 
(5) Les blancs
(6) Si tu marches comme un poulet, on te donnera du maïs. 
(7) Qu'est-ce qui s'est passé et qu'on ne puisse plus avaler la salive ?
(8) Si une main ne reste pas tranquille, la corde ne l'attache pas. 
(9) L'écureuil a uriné dans le lac Nohoué. - Je viens d'y ajouter ma part.
Remerciements à Gérard Poirot pour le collectage des proverbes Béninois
 
                                                                                                Philippe Laval, pour la revue Moebius Bordeaux, Aout 2009

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