Gran-popo,
Bénin.
C'est...
Je
vais marcher,
au plus simple,
suivre la piste rouge qui
s'éloigne de l'auberge de Grand Popo dans laquelle je me suis
arrêté.
Elle semble n'aller nulle part...
Une
mobylette me dépasse,
cent mètres devant moi un
groupe de femme marche lentement.
A peine éloigné,
je comprends le paysage fait d'un marigot sur ma gauche, des étendues
d'eau, de vert,
quelques arbres s'élèvent au-dessus
de ce qui semble rempli de vie d'oiseaux de poisson de crabes,
et
d'humain qui en vivent,
un chemin s'y enfonce, un cochon noir y
est installé, je ne le dérange pas.
Sur la droite,
la dune.
Une silhouette peut y marcher, offrant des photos
parfaites, de l'ombre par exemple,
qui dérange de sa trace
humaine le partage doux et simple du blond et ocre du sable contre
les gris bleutés du ciel.
On devine la mer qui ne s'en
cache pas tant son grondement empli l'atmosphère de bruit et
d'embruns.
Je rattrape et dépasse doucement les
femmes non pas nonchalantes mais calmes et sereines.
Une est
enceinte, l'autre porte un enfant, les couleurs de leurs boubous
conversent...
elles se dirigent vers ce village qui se précise
quatre à cinq cent mètres plus loin.
J'avance d'un pas
le plus adapté possible à mon besoin de contemplation
et la nécessité de maîtriser la chaleur qui
s'attaque à ma peau.
A l'orée du village,
je comprends assez vite être là ou j'ai voulu être
ces derniers jours,
là où je retrouverais un peu de
ce voyage au Togo, de cet Afrique aux "temps immobile"
comme aurait dit J. Brel.
De ce que mon corps, physiquement
me réclamait après le chaudron de Cotonou.
(Là
une pensée s'échappe vers la Suisse où est
rentré Pascal, une sorte de frère jumeau découvert
la bière à la main,
dans l'intensité de
rencontres poétiques qui prendront du temps à
décanter.)
Le village est fait d'un mélange
hétéroclite de paillote et cour ceinturé de
palissade en feuilles de palme, de petite maison de béton
misérables et tôles rouillées, de rues plus ou
moins étroites faites du sables de la dune poussé là
par les vents de toujours. De vieux bâtiments coloniaux sont en
ruine, sur les crépis effrités, la rougeur des briques
est d'une force qui défit l'usure, et la beauté de ces
surface rongées et sculptées est comme une victoire.
Le
marigot sur ma gauche a laissé place aux rives du fleuve
Mono.
des vieux se saluent,
des jeunes jouent au ballon,
des
gens dehors chez eux,
que du banal,
admirable.
Sur
une barque retourné contre un mur deux personnes sont assises,
je m'installe à coté d'eux un moment pour observer un
va et vient tranquille de pirogues qui déchargent leur lot de
passager ayant traversé le fleuve.
Toujours ses mêmes
scènes simple, il n'y a pour moi aucun besoin d'écrire,
si ce n'est celui de vouloir retenir un peu mes sensations, j'ai
juste un peu peur que plus tard, même moi je n'y croirais
pas.
Je continue, longeant des rues, des murs croisant
des chèvres, des cochons des poules, puis...
comment
dire...
une sorte de place de sable sur le fleuve, planté
de cocotier, des femmes se lavent ou lavent leurs enfants, des jeunes
jouent dans l'eau, en face sur l'autre la rive un autre village
simple comme une envie d'y aller voir,
sur l'eau passent des
traits sombres animés d'une silhouette droite d'un homme à
grande perche.
Quand une dizaine de garçon
poussent à l'eau cette embarcation qui est faite d'un seul
tronc creusé, que je les vois jouer, crier et rire, puis
s'éloigner tout d'un coup aux battements de leurs pagaies, me
croirez-vous si je vous dis que quand ils ont commencer à
disparaître par là-bas, où je devine la
végétation qui devient mangrove, j'ai entendu leurs
chants qui rythmaient leurs gestes.
Je suis assis là tout
contre, un arbre, ou l'inespéré se passe.
je mets un
peu de temps à choisir le mot "inespéré"
mais c'est bien celui qui convient.
Toutes les considérations
psychologiques, sociologiques, politiques, philosophiques, ou
littéraire peuvent bien aller se faire foutre, j'ai de
l'émerveillement en moi.
Il faut bien se lever,
un enfant me fait des signes qui ressemblent à une
invitation... à aller voir plus loin!
ce jardin pas privé
n'est pas chez moi.
Plus loin, c'est la sortie du village, et la
bande de sable entre fleuve et océan s'étire en se
rétrécissant au loin.
Je choisis de revenir en
longeant le bord de la mer. la lumière commence à
baisser, le jour se termine,
les rouleaux aux pieds de la dune
creusée en à-pic, sont furieux, l'océan est
d'une sauvagerie rare, moi qui aime tant ça, je ne
l'affronterais pas, ça n'aurait pas de sens, de plus mon bras
et mon genou blessé ne me permette pas de prendre ce risque.
Je longe donc tranquillement cette crête de sable qui file vers
l'ouest où des nuages noircissant lâchent des éclairs
qui zèbrent la presque nuit.
Eh oui, ça parait trop!
mais pourtant l'orange gronde... pardon! l'orage gronde en
contrepoint du roulement océanique!
Je passe
devant des pécheurs, ils sont à leurs filets et
parlent
leur langue est un chant pour moi
les verrais-je un
matin affronter la barre et partir au large?
Les bateaux
pourraient sembler des coques de noix, mais de près, la
massivité du bois dont ils sont faits leur donne un aspect
puissant et anciens comme de ces arbres géants que l'on trouve
ici.
Toujours longeant ma dune, je me pose à ce
qui tient lieu de bar du village, et face à la mer, je déguste
une "Béninoise", échangeant quelques mots
avec un jeune rasta désœuvré, phrases lapidaires,
qui s'étirent, sans malaise aucun, entre gorgée de
bière et bruit de mer sur le sable.
Dans la nuit
noire maintenant, je m'enfonce, l'écume blanche sur ma gauche
me balise le chemin facile jusqu'à ces paillotes éclairées
de l'hôtel, là-bas, ou attendent des riches...
et
chemin faisant,
j'imagine que je n'imaginerais pas possible de
mettre en mots ce que je vous raconte là.
Grand
Popo, Bénin, 11/03/2009 22h00 locale.
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